La chaste Suzanne

Contenu

Date d'exposition
1865
Exposition
Salon de 1865
N° au Salon
1027
Médaille obtenue
Médaille unique
Genre
Peinture d'histoire
Technique
Peinture à l'huile
Dimensions
130 x 185 cm
Historique
Au livret : « M. de la Maison de l’Empereur et des Beaux-Arts »|Propriétaire au Salon : ministère de la Maison de l’empereur et des beaux-arts, le
Lieu de conservation
Paris, musée d'Orsay
Anthologie critique

Clément Charles,  Le Journal des débats, 7 mai 1865 :

« Quant à M. Henner, dont nous avons déjà vu le tableau à l'Ecole des Beaux-Arts, cette nouvelle épreuve n'a fait que confirmer notre première impression, et nous ne saurions faire autre chose que reproduire presque textuellement ce que nous en disions il y a quelques mois. Sa Suzanne au bain est certainement l'un des meilleurs tableaux de l'Exposition et un excellent morceau de peinture, où s'accusent plus nettement que jamais les fortes et sérieuses qualités que nous avons déjà relevées à plusieurs reprises chez ce jeune artiste. Sur un fond de paysage sombre et habilement disposé pour faire valoir la figure, se détache la jeune fille qui vient de quitter ses vêtements, et qui descend dans le bain. Sa main, appuyée sur la marge de la piscine, le corps gracieusement ployé, la tète penchée, elle a déjà plongé l'un de ses pieds dans l'eau fraîche et transparente. L'aspect général du tableau est robuste et très agréable. Les accessoires, les linges blancs, la draperie jaune, les murs gris, les fleurs éclatantes sont traités avec une rare intelligence, et l'on remarquera surtout l'excellent effet que produisent une cassette et un vase noirs, qui, par la puissance et la franchise de l'opposition, font paraître le fond plus clair et les figurés plus éclatantes. C'est là un de ces traits qui dénotent un coloriste, et qui, malgré leur insignifiance apparente, sont, à l'égard de l'effet tout au moins, comme la clef et le nœud d'une composition. Le dessin, cherché, voulu, nettement écrit, est plus vrai que distingué. L'œuvre entière est d'ailleurs moins remarquable par la composition, qui, sans être mauvaise, n'a rien de très frappant que par l'exécution large, grasse, souple, d'une extrême finesse et très personnelle. La figure de Suzanne n'est pas absolument irréprochable. Je puis bien le dire, aujourd'hui que voilà M. Henner en bon chemin, elle est un peu vulgaire. Le dessin en est lourd. L'épaule gauche ne me paraît pas d'un dessin correct ; les demi teintes ne sont pas toujours à leur place, de sorte que les formes paraissent brisées et pour ainsi dire bossuées ; la fête est noire et comme charbonnée, le modelé de la jambe droite ondule ; il manque de précision et de fermeté. Il faut le répéter sans cesse : les peintres qui cherchent avant tout la couleur restent difficilement maitres de la forme. Lorsqu'ils ont rencontré quelque ton beureux, ils hésitent à le sacrifier, lors même que ce ton exprime imparfaitement leur intention, et ils donnent ainsi à l'agrément le pas sur des beautés d'un ordre plus élevé. »

Saint-Victor Paul de, La Presse, 14 mai 1865 :

« M. Henner - Suranne au bain - Une des meilleures peintures que l'école de Rome nous ait envoyées depuis bien longtemps.  La jeune femme, nue, debout sur le dernier degré du bassin, va descendre dans l'eau où plonge déjà son pied droit. Elle s'appuie d'une main sur la rampe de la piscine, et de l'autre sur le degré supérieur. La tête est commune, sans aucune recherche d'expression ni même de beauté, et le corps manque de jeunesse et de distinction. C'est la Suzanne roturière, la bourgeoise de Babylone, telle que la comprenaient les Flamands et les Hollandaires ; telle qu'ils l'ont peintre si souvent, passant un gros peigne de buis dans ses cheveux roux, ou se faisant tailler les ongles des pieds par une grosse servante. Mais ce corps un peu vuldaire est modelé en pleine chair, et les accessoires qui l'entourent dénotent une rare entente de l'effet. La draperie orange, le vase et le coffret noir posé sur les marches regaussent vivement la vaigneuse et font ressortir sa fraîche nudité. Remarquez encore la touche adroite et sobre des fleurs enfeuillées dans l'eau, et les excellents plis que fait ce linge humide dont le blanc se relie si bien aux blancheurs des chairs. La partie faible du tableau est le fond de verdure visqueuse et assombrie qui l'encadre. Les têtes des deux vieillards, vaguement ébauchées, y sont prises comme dans de la glu. »

Chesneau Ernest, Le Constitutionnel, 30 mai 1865 :

« Nous en avons la preuve à cette Exposition où les deux meilleures figures en ce genre sont deux devoirs d'élèves de Rome : MM. Henner et Lefebvre, qui se sont contentés de poser comme morceaux d'étude l'un une femme debout qu'il appelle Suzanne, l'autre une femme couchée qu'il n'a même point baptisée. »

Deriège Félix , Le Siècle, 7 juin 1865 :

« Nous avons eu déjà occasion de parler, à propos des derniers envois de Rome, du tableau de M. Henner, qui a pour titre la Chaste Suzanne, et de signaler tout ce que l'oeuvre de ce jeune artiste a d'exceptionnellement remarquable : suavité des lignes, fermeté des contours, finesse extrême du coloris, où sont fondues, avec une recherche de tons exquise, les diverses nuances que peut offrir un corps de jeune femme, depuis l'azur le plus clair jusqu'au carmin le plus rose et le plus léger. Les accessoires que M. Henner a ajoutés à sa composition, le vase de parfums, les draperies, les fleurs, témoignent d'un goût très juste et très distingué. Il y a du mystère dans l'aspect général de son tableau, et l'apparition des vieillards tapis sous le feuillage y jette un certain effroi ; mais nous avions trouvé la figure de Suzanne disgracieuse et le raccourci de sa jambe gauche défectueux ; après un nouvel examen, nous croyons devoir maintenir également nos éloges et nos critiques.  »

Gautier Théophile, Le Moniteur universel, 9 juillet 1865 :

« C’est un sujet, commode pour les études académiques que celui de la Chaste Suzanne, aussi a-t-il été traité bien des fois et le sera-t-il encore. M. Henner a représenté la belle juive, un pied dans l'eau et frissonnant sous le regard des vieux libertins cachés derrière le feuillage. Ce n’est pas par le style et la beauté des lignes que de distingue la Suzanne de M. Henner, mais par un vif sentiment de couleur. Les chairs sont d’un ton très fin,  très vrai, très nature, comme disent les peintres. Ce n'est pas une statue qui se baigne, mais bien une femme ; une femme d’un modelé gras libre et souple, capable de se mouvoir car elle n’est pas prisonnière dans un contour inflexible. Le rapport des linges et des draperies déposées sur le bord du bassin, l’harmonie des fonds avec la figure les reflets sourds de l’eau montrent que M. Henner possède toutes les ressources de la palette. »